Messieurs les présidents de messageries,
J’ai eu l’occasion de vous parler des difficultés et des inquiétudes de mes confrères – singulièrement ceux qui étaient servis par un dépôt Soprocom ou une agence de la SAD jusqu’à vendredi. A la crise sanitaire sans précédent s’est ajoutée une crise de l’outil de distribution, fragilisant un réseau déjà durement éprouvé par le mouvement des gilets jaunes et la contestation de la réforme des retraites. Je veux aujourd’hui, publiquement, me faire l’interprète des inquiétudes d’un réseau qui n’en peut plus, et qui craint pour sa pérennité, en abordant deux questions essentielles :
Nous manquons de papier à vendre. La réduction des volumes, les mouvements de grève et puis la brutale disparition des livraisons de magazines pour un quart de mes confrères se conjuguent pour nous asphyxier quand nous avons besoin de retrouver des couleurs et de satisfaire enfin des clients qui nous sont restés fidèles pendant l’épidémie, alors que nous restions nous-mêmes sur le pont.
Je veux insister sur le cas particulier des 6 500 marchands qui étaient servis par un dépôt Presstalis jusqu’à leur liquidation judiciaire, bien sûr, mais je peux témoigner de la rareté des livraisons de magazines et de la quasi-disparition des quotidiens nationaux chez mes autres confrères, impactés par les conséquences du mouvement social en cours, et qui en appellent à votre responsabilité.
Concernant, donc, les zones opérées par la SAD, je veux insister, comme je l’ai fait auprès du président de l’Autorité de régulation, sur notre besoin de solutions de secours le plus rapidement possible. Si celles-ci doivent passer par des circuits différents selon les messageries, je ne m’y opposerai pas, car l’urgence est au retour du papier dans nos linéaires, et donc aux ventes, au risque réel de voir une partie irremplaçable de notre réseau de vente disparaître dans l’épreuve. Nous devons penser à l’échelle des heures et des jours, et non en semaines. J’insiste toutefois – à nouveau – sur notre attente de solutions définitives d’approvisionnement qui consolideront l’ensemble des flux – quels que soient les choix des éditeurs – au niveau du dépositaire, acteur de la relation au quotidien des marchands.
Vous devez offrir à mes confrères concernés de la visibilité sur la reprise du service – fût-il perturbé – car ils doivent pouvoir se projeter et informer leur clientèle. Et vous devez veiller à ce que tout le territoire soit couvert dans un délai court, comme la loi vous en fait obligation. Il ne serait pas acceptable que le territoire autrefois couvert par l’une ou l’autre des agences SAD demeure oublié trop longtemps, et que mes confrères y disparaissent. Là encore, c’est à votre responsabilité que j’en appelle.
Enfin, je souhaite aborder, pour ces zones dont le dépositaire a été frappé de liquidation judiciaire, la question des flux financiers. Les liens financiers qui unissent l’éditeur au marchand, le mode de facturation des fournis, de crédit des invendus, comme la perception des commissions sur les ventes, constitue un process complexe qui repose sur la continuité des relations. Qu’un rouage se grippe et l’ensemble devient dangereux pour la partie la plus faible ; nous. Que cesse l’ordonnancement des paiements, des crédits, et notre trésorerie est immédiatement impactée. Or mes confrères exploitent des très petites entreprises. De petites entreprises commerciales, qui ne disposent généralement pas de réserves, de capitaux propres abondants, et dont la trésorerie a été asséchée par les épisodes successifs que j’ai décrits plus haut. J’avais plaidé pour une continuité, sur ce plan, et il me semblait avoir été entendu.
Or, depuis hier, mes confrères des zones SAD sont l’objet d’un combat entre vous. Côté Presstalis, on leur demande le paiement de leurs fournitures quand MLP leur écrit pour leur demander de payer entre leurs mains les sommes dues aux éditeurs distribués par la messagerie. Face à un réseau entre le marteau et l’enclume, j’avais conseillé hier à mes confrères d’acquitter le dernier relevé qui leur est parvenu. Le temps de discuter avec vous et de vous exhorter à trouver des solutions entre vous. Dans tous les cas, j’avais insisté sur le fait que si nous ne contestons pas la réalité des paiements que nous devons remonter, nous estimions que nos invendus devaient nous être rappelés et crédités, par souci d’équilibre. Je vous avais également dit que nous ne pouvons accepter de réaliser nous-mêmes les calculs complexes permettant de reconstituer les flux et que, si MLP devait nous facturer directement les RD « en stock » (sur des parutions livrées par la SAD) il convenait que Presstalis donne à MLP les informations lui permettant de générer des facturations.
Je vous avoue que j’avais surtout l’intention de vous demander de vous parler, et de régler ces questions entre vous, car mes confrères de ces zones sont déjà bien assez chahutés pour n’être pas les otages de vos divergences éventuelles.
Ils ont reçu aujourd’hui un courrier du liquidateur – mandataire de justice – les appelant à régler l’encours, y compris les différés des titres MLP à la régie qui reprend les engagements financiers de la SAD. Ce courrier les avertit également de l’exigibilité de ces sommes, quand bien même elles auraient été payées directement à MLP par ailleurs. Jusqu’à ce que votre conflit de fond soit traité, et que nous recevions une information émanant de la justice, je vous informe que je vais conseiller à mes confrères de se conformer au seul document juridique en leur possession. D’autant que le mandataire de justice garantit que les sommes dues aux MLP leur seront versées. Nous ne prendrons donc pas position sur un débat juridique qui nous dépasse et vous appelons à le régler dans les meilleurs délais.
J’ai bien noté l’annonce, dans ce courrier, d’un report d’une semaine du paiement du RH 20, le temps que les invendus en souffrance aient pu être crédités, le cas échéant après qu’ils aient été physiquement relevés, qui répond à l’inquiétude que nous avions porté auprès de vous.
Pour ce qui concerne les livraisons à venir, qui seraient effectuées directement par MLP, il va de soi que mes confrères les acquitteront, à condition bien sûr, que les règles de facturation soient respectées – et sans préjudice de notre demande qu’au final, les solutions de continuité définitive sur ces mandats se réalisent dans un esprit de consolidation des flux financiers au niveau du dépôt.
Au nom de mes confrères, et singulièrement des 6 500 points de vente servis par des mandats opérés jusque-là par la SAD, je vous remercie de considérer la reprise des flux normaux comme une priorité absolue et de communiquer aussi vite que possible sur les solutions que vous comptez mettre en œuvre.